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13/05/2012

CES MINISTRES QUI AVAIENT PRESIDE A LA DESTINEE DU DEPARTEMENT DE L'ENERGIE AU MAROC

 

Quand on quitte une fonction, politique ou administrative, pour un autre poste ou pour la retraite, il est de bon aloi qu’on fasse le bilan de tout ce qu’on a  entrepris pendant sa vie active. Sans doute, chacun de nos ministres qui avaient  présidé à la destinée du département de l’énergie, ont déjà établi le leur, soit pour faire un mea-culpa soit pour s’en s’enorgueillir. La majorité de nos ministres n’ont pas l’habitude d’écrire leur mémoire, encore moins de les publier. De peur que le bilan de leurs réalisations ne tombe dans la trappe de l’oubli, l’on se propose d’appréhender la manière dont chacun de ces ministres  avait  géré ce secteur si névralgique et comment quelquefois leurs ambitions se sont métamorphosées en illusions.    

Revisitons l’histoire. Le ministère de l’Energie et des Mines a été créé le 10 octobre 1977.On venait tout juste de sortir du chaos créé par le premier choc pétrolier en 1973 qui a vu le prix du baril quadruplé passant de 3$ à 12$ en l’espace d’une année. En 1979, le deuxième choc pétrolier engendré par la chute du Shah, avait secoué de nouveau les économies du monde entier. Le prix du baril de pétrole brut, qui était de moins de 13$ en septembre 1978, atteint 35$ en mai 1979 et culmina à 40 dollars à l’automne de la même  année.

Le ministère  fraîchement créé, avait l’avantaged’hériter d’un secteur des plus structurés et des plus réglementés du Royaume. La crise sera gérée avec un professionnalisme  singulier. C’est à partir de ce moment que le Maroc a commencé à prendre conscience de l’importance de l’énergie pour l’économie nationale.  Les temps du baril moins cher sont révolus. Il fallait donc élaborer une politique énergétique qui permettra  d’assurer la sécurité de  l’approvisionnement du pays en énergie, et de permettre  le développement des  ressources énergétiques nationales. Une commission présidée par le ministre sera chargée de cette mission. Quelques mois de travail acharné ont suffi pour élaborer une politique énergétique. Les ministres qui se relayeront à la tête du département considèreront cette politique comme un document ″sacré" et constituera par conséquent leur feuille de route  trois décennies durant.

Notre  ministre de l’époque était connu pour sa détermination et son obstination à vouloir réussir, vaille que vaille, la mise en œuvre de cette politique. Valoriser les schistes bitumineux,  développer les énergies renouvelables, préparer l’introduction de l’électronucléaire étaient son challenge. C’est probablement la raison pour laquelle son mandat reste de loin le plus long de l’histoire de ce ministère (1977- 85). Cependant, fut-il resté trente ans de plus, cette politique ne serait jamais traduite en projets concrets. Avec le recul, il s’est avéré que cette politique énergétique était une véritable stratégie de l’énergie sans vision claire ni financement ni business plan.

Le deuxième ministre a été nommé le 11 avril 1985 dans une conjoncture internationale plus avantageuse. Le prix du baril de pétrole ne dépassait guère les 14 $ en 1986. En 1987 le baril subit une augmentation pour se stabiliser à 18,5$. Il ne dépassera la barre de 20$ qu’en 1992. Les fameux  sept axes  de la politique énergétique définie par son prédécesseur ne seront cités que dans des séminaires ou dans les discours officiels. Les budgets alloués à la recherche pétrolière et schistes, les énergies renouvelables et l’électronucléaire  seront  soit supprimés soit revus à la baisse.

Le troisième  ministre a été installé le 2 août 1992, journée durant laquelle l’armée irakienne avait  investi le Koweït. Le baril de pétrole  a subi une petite augmentation et se situe entre 20 et 25$.  L’année d’après, c’était le début de la guerre du Golfe. Le prix du baril frôle les 60 $ mais ne tardera pas à diminuer  pour se stabiliser, à nouveau, autour de 27$. Un problème surgit subitement: la coupure générale du courant électrique  au Maroc. Le Directeur Générale de l’ONE fut limogé. Une première! Pour pouvoir surveiller la pointe de la consommation et éviter de nouveaux accidents sur le réseau électrique national, un délestage touchant les zones industrielles des grandes villes s’en est suivi. Le ministre avait fait un brillant exposé au conseil de gouvernement pour tirer la sonnette d’alarme sur la vétusté de nos centrales et de notre réseau de distribution et mit l’accent sur l’urgence qu’il y avait de construire de nouvelles centrales,  pour faire face à un déficit chronique en énergie électrique. Sur ses entrefaites, il lance les négociations pour la production indépendante d’électricité. Dans la foulée, un nouvel organigramme, basé sur les techniques du management moderne, a été élaboré en y introduisant  la notion de gestion  des ressources humaines et de la communication. Durant son mandat, le dialogue social a connu son paroxysme. Malheureusement, son mandat sera de très courte durée et toutes ces initiatives ne donneront leur fruit qu’après son départ.

Le quatrième ministre, nommé le 11 novembre  1993,  était le ministre qui avait  plus de chance. Le prix du baril n’a pas dépassé les 40 $. Le  nouvel organigramme préparé par son prédécesseur venait d’être visé par les finances. Il saisit l’occasion de sa mise en application pour remettre en cause les vieilles habitudes  et la façon dont est accompli le service public. Pour lui, l’Administration  doit produire à l’instar de l’OCP où il avait fait carrière. Il voulait instaurer la notion de ″valeur travail". Le système de notation des fonctionnaires  sera  basé sur la méritocratie. Pour ce faire, un grand oral sera organisé pour tous les responsables et pour l’ensemble des cadres. Il tenta même, mais en vain, d’installer la Direction Participative Par Objectifs. En ce qui concerne les dossiers techniques, on peut dire qu’il a remporté la timbale. Il a bien réussi la privatisation de 60% de la production électrique initiée par son prédécesseur. Il relança  avec succès le plan d’électrification rurale et le Plan National de la Cartographie Géologique,  instaura  le système d’indexation des prix des produits pétroliers. Un nouveau code des hydrocarbures plus attrayant, pour relancer la recherche pétrolière,  sera également élaboré.  Par ailleurs, la construction du  gazoduc  Maghreb Europe fut achevée en 1996. Ce projet s’est concrétisé par la mise en œuvre  d’une  stratégie de la politique énergétique européenne. Le Maroc recevra  une manne de 500 millions de m³ de gaz naturel comme droit de passage. Sur le plan social les réformes managériales introduites par le  ministre ont  suscité  beaucoup de mécontentement au sein du personnel. De ce fait, la durée de son mandat est marquée par l’apparition, pour la première fois dans l’histoire du ministère, des syndicats représentant le personnel. 

Le cinquième  ministre, nommé  le 13 août 1997, n’a pas laissé de traces qui méritent d’être citées, car le département a été rattaché  au  ministère du Commerce et de l’Industrie suite à des remaniements ministériels qu’avait connu le pays juste avant l’alternance.

Issu justement de cette alternance,  le sixième  ministre que Dieu ait son âme, a été nommé le14 mars1998. Durant son mandat, il s’est attelé aux dossiers à caractère social et politique, en l’occurrence, l’électrification rurale dont l’exécution a été  menée d’une manière remarquable. Des circonstances  malencontreuses l’ont  projeté au devant de la scène nationale sur l’affaire de Talsint, qui fut la deuxième déception des marocains après celle des schistes en matière de la recherche pétrolière.

Le septième ministre  a été nommé le 6 septembre 2000. De nouveau, le ministère  a été  attaché au département de l’Industrie. Aucune action qui concerne le secteur de l’énergie et qui mérite  d’être citée n’a été entreprise  durant son mandat.

Le huitième ministre a été nommé en novembre 2002 quelques jours avant l’incendie qui avait endommagé la majeure partie des installations de la raffinerie de Mohammedia. Une cellule de crise a été instaurée pour importer massivement des produits pétroliers raffinés. Le prix du baril au début de son mandat ne dépassait guère les 40 dollars. Et après Talsint, la recherche pétrolière est tombée en disgrâce. La majeure partie de son mandat sera donc consacrée  à l’approvisionnement du pays en produits pétroliers. Sur le plan ressources humaines,  il a piloté en personne l’opération " départ volontaire". Cette opération mal ciblée,  une relève mal préparée, des départs en retraite et des détachements des cadres dans d’autres ministères, ont contribué à un grave déficit en compétences.   Par ailleurs, et pour des raisons  inconnues, le service géologique national sera supprimé et le musée national de la géologie, installé  au hall  du ministère depuis trois décennies, sera démantelé.

 Laneuvièmeministre a été nommée le 19 septembre 2007 dans une conjoncture internationale très difficile. En effet, le prix du baril a été quintuplé entre septembre 2003 et juin 2008. Il atteindra au premier semestre 2008, le niveau  historique de 140$. C’était le troisième choc pétrolier. L’achat du pétrole brut pèse lourd sur notre balance de payement, et aggrave l’intervention de la caisse de compensation.Il fallait reprendre notre fameuse politique énergétique pour voir ce qu’il y a lieu de faire: la recherche pétrolière  n’a toujours pas donné de résultats satisfaisants, les schistes bitumineux ont été déjà abandonnés, le nucléaire devient sujet tabou après Tchernobyl et l’Iran. Il ne reste que les énergies renouvelables qui jusqu’à présent n’ont été jamais mises à l’épreuve. Qu’à cela ne tienne! Sous l’effet du tropisme exercé par les énergies vertes, la ministre  projette d’élaborer une stratégie de l’énergie basée sur les énergies renouvelables. Ce qui fut fait. La nouvelle stratégie fut annoncée en 2009 lors de la première assise de l’énergie organisée à cet effet. Une stratégie ambitieuse mais de l’avis des experts, pernicieuse, et qui plus est, les responsables chargés de sa mise en œuvre sont connus pour leur vision carriériste. Grâce à ses brillants exposés, elle est arrivée à convaincre de la viabilité de cette stratégie, le gouvernement, le parlement avec ses deux chambres, le Conseil Economique et Social, les dirigeants  du secteur de l’énergie et la CGEM. Sur le plan ressources humaines, elle semble se complaire dans le moule de son prédécesseur en gardant les mêmes responsables et les mêmes structures. Sur le plan social et tout au long de son mandat, le dialogue avec les syndicats  sera suspendu. 

Il ressort du bilan des réalisations  de ces ministres  que la mise en œuvre de  notre politique énergétique ou l’élaboration de stratégie  restent intimement liées aux fluctuations du prix de baril de pétrole. On ne pense à faire de la recherche ou à lancer des projets que lorsque le prix du baril de pétrole  est élevé. Quand ce prix baisse, tout sera remis en cause comme si le marché international allait rester définitivement figé. En principe, le prix du baril doit  être séparé de la stratégie à adopter pour  réduire la dépendance du pays en énergie. Du moment que pour la sécurité de notre approvisionnement, le pétrole doit être acheté quel qu’en soit le prix, de même la recherche et le développement de nos ressources naturelles doivent se faire continuellement abstraction faite du niveau du prix du baril.

                                           

                                      Omar Elfetouaki

                      e-mail :  elfetoouaki@gmail.com