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06/06/2005

L’ADMINISTRATION PUBLIQUE MAROCAINE ET LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

Le rêve de devenir fonctionnaire restera gravé, durant plusieurs générations, dans la mémoire collective marocaine. Pendant le protectorat et au lendemain de l’indépendance travailler dans l’Administration était l’objectif primordial de tous les jeunes marocains. Les familles, dont un des leurs travaille dans l’Administration Publique, s’en enorgueillissaient. Dans le monde rural, être fonctionnaire est une fin en soi. Les jeunes aspirent tous devenir un jour le caïd du village, le gendarme, l’instituteur et d’une manière générale, le Fonctionnaire. Les émoluments rétribués par la Fonction Publique défiaient toute concurrence. Pour ces villageois, travailler dans le privé, c’est accepter d’avoir un métier humble et modeste. Les seules entreprises privées qui existaient étaient les fermes des grands terriers, les petits tacherons ou les artisans du village : menuisiers, cordonniers, forgerons etc. Ne pas travailler dans la fonction publique, c’est être obligé d’accepter le travail d’un métayer, d’un berger, d’un maçon ou d’un manœuvre quelconque. Le privé était perçu être le lot des souches sociales les moins favorisées. Le salaire minimum garanti est très bas. Même dans les grandes villes la plupart des pères de famille, en majorité analphabètes, travaillaient dans les usines comme manœuvres et leurs enfants aspirent, après l’obtention d’un diplôme, devenir fonctionnaires pour sauver ce qui peut être sauvé de l’honneur de la famille. Le travail qui valorise le statut social de l’individu c’était donc le fonctionnariat. Le service civile et les écoles sectorielles ont contribué aussi à un grand nombre de recrutements de fonctionnaires. L’intégration de l’Administration, par ce biais, des lauréats des universités et des grandes écoles de l’enseignement supérieur, était sur titre ; sans concours ni sélection. D’ailleurs, beaucoup de fonctionnaires recrutés de cette manière dans l'Administration, occuperont vite des postes de responsabilités sans les qualifications requises.
Malgré le développement que le secteur privé a connu, l’Administration suscite jusqu’à nos jours l’engouement de toutes les personnes qui manquent d’initiatives et de capacité d’entreprendre. L’Administration ne demande rien et n’a besoin de personne. Ce sont les autres qui ont toujours besoin d’elle . C’est une entreprise monopolistique gigantesque. Elle monopolise le service public. Elle n’a pas de part de marché à perdre au profit d’un autre concurrent. Le fonctionnaire est toujours sollicité par l’ensemble de la communauté. La notion de chiffre d’affaire n’existe pas. La perte est impossible et la faillite inimaginable
Sur le plan managérial, juste après l’indépendance et avec le départ massif des français, il fallait parer au plus pressant. Les postes de responsabilité ont été affectés à des cadres fraîchement sortis des grandes écoles sans expérience ou à des fonctionnaires non-diplômés ayant acquis une certaine expérience dans le domaine administratif. L’Administration sera gérée suivant ce que ces responsables ont compris. Et de ce fait, elle fera un mauvais départ dont elle ne se remettra plus jamais . Les erreurs s’accumulent d’année en année et aucune amélioration n’a été constatée malgré des initiatives de modernisation, entamées par quelques Ministres. Ces initiatives ne seront jamais appliquées. Dans la foulée l’E MA et plus tard l’ I S C A E seront crées pour subvenir aux besoins de l’administration dans le domaine de la gestion. Seuls les lauréats de l’E M A connaîtront le chemin de l’administration. Cependant le but recherché ne fut pas atteint. Les notions de management moderne tel qu’on l’entend dans les entreprises privées ne fait pas partie du cursus de l’Ecole. On y enseignait le droit administratif, l’économie politique, la finance publique et autres matières . En somme, on y préparait les lauréats pour diriger les fameuses divisions administratives chargées de gérer le budget des Départements et de suivre la situation administrative des fonctionnaires : avancement, indemnités, congés, etc. La gestion des ressources humaines était inexistante. A cela il faut ajouter que face au lobby des ingénieurs d’une part, et à cause des bas salaires de l’administration d’autre part, les gestionnaires préfèrent travailler dans le secteur privé.
Vue sous cet angle, l’Administration Publique est une énorme entreprise dont les ressources humaines sont mal gérées. Au lieu d’une gestion de compétence basée sur une stratégie communicante, on continue obstinément à privilégier la gestion des effectifs basée sur l’administration du personnel. Chaque Ministre ou Secrétaire Général gère son Département comme bon lui semble. Les responsables bricolent pour parer au plus urgent en attendant le départ du ministre. On dirait que la longévité d’un ministère dépend de celle du mandat d’un ministre !!!. Après le départ de ce dernier, tout est à refaire suivant les humeurs du nouveau patron. On fait des diagnostics, on change l’organigramme sans vision ni stratégie et on perpétue l’ignorance et les procédures d’une gestion archaïque. On fait rarement appel à un consultant pour amorcer une réforme. Les hauts fonctionnaires inamovibles , cadres supérieurs et responsables suivent scrupuleusement les directives du nouveau ministre. L’épée de Damoclès est toujours au dessus de leur tête. Sans garantie, le responsable peut être déchargé de sa fonction, à n’importe quel moment. Souvent le nouveau ministre choisit la majeure partie de ses responsables à partir de l’extérieur et la promotion interne est suspendue. Les cadres, par manque de débouchés, collaborent sans aucune résistance. Les plus réticents seront marginalisés. La relève n’est toujours pas bien préparée ou reste inexistante ce qui ne manque pas de créer des problèmes de compétence même au niveau de la gestion des dossiers techniques. D’ailleurs, comment explique-t-on le fait que d’un côté, il y a pléthore de fonctionnaires et de l’autre le travail ne se fait pas convenablement ou ne se fait pas du tout ou se fait avec lenteur ? La torpeur, l’incompétence et l’archaïsme managérial se sont conjurés pour améliorer ostensiblement cette pléthore.

Omar Elfetouaki