Le Ministère de l'Energie et des Mines: le take-off institutionnel

"La folie est de toujours se comporter de la même manière et de s’attendre à un résultat différent."
Albert Einstein

C’est pour la première fois dans l’histoire institutionnelle du Département de l’Energie et des Mines qu’un Ministre initie un organigramme, le défend devant le gouvernement, en obtient la promulgation pour finalement procéder lui-même à sa mise en application. C’est une véritable gageure. La mise en place dudit organigramme a nécessité deux mois environ de réunions et de discussions parfois houleuses entre les membres d’une commission désignée, à cet effet, par le Ministre. Ce dernier a pris tout son temps. Les cadres ont passé tout ce temps à attendre. Pour eux, ce fut une éternité. Après de moult retouches, la liste des Directeurs de l’Administration Centrale du Département a été publiée en premier lieu avec les chefs de division correspondants. Au fait c’est un package : à chaque Directeur correspond tels chefs de division suite, vraisemblablement, à des petits conciliabules entre le directeur concerné et la commission . Et pour boucler l’organigramme, les chefs de division disposent d’un délai d’une semaine pour faire des propositions de chefs de service à leur directeur respectifs. Cependant, la mise en place réelle de toutes ces structures demandera probablement un peu plus de temps que prévu.
Tous ces jeunes responsables semblent imprégnés de l’impératif vital du service public et conscients des défis à relever pour la mise à niveau des secteurs énergétique et minier D’autant plus qu’ils constituent une nouvelle génération de cadres qui maîtrisent parfaitement l’outil informatique et ses applications. Ces compétences faisaient défaut aux anciens responsables. Ce qui augure de l’avènement d’une autre manière de gérer ce département. A ces nouveaux responsables, nous transmettons, à travers ces lignes, toutes nos félicitations. Que cela soit dit en passant, durant ces nominations, des noms parmi les jeunes cadres ont été oubliés soit sciemment, soit par inadvertance ou par méconnaissance. En tout cas il y a quelque part une injustice à réparer pour les cadres qui n’ont pas choisi l’option départ volontaire. Par contre la discrimination positive a joué pleinement. C’est ainsi que deux Directeurs, cinq Chefs de Division et un Directeur Régional sont des cadres femmes. On saisit cette occasion pour présenter un hommage particulier à ces belles responsables qui ont été admirablement choisies pour assurer cette lourde responsabilité. On leur souhaite également un bon courage dans leurs nouvelles fonctions.
Les nouveaux responsables, ont été reçus par le Ministre. Dans un discours professoral parfaitement structuré, ce dernier a"harangué ses troupes" et semble annoncer le take-off institutionnel du Département. Il demande expressément aux nouveaux responsables de se comporter en véritables managers et de laisser la gestion des dossiers techniques aux chefs de services et cadres. Il a mis en outre l’accent sur la communication aussi bien au niveau interne qu’au niveau externe. Paraît-il "qu’on vend mal notre travail" semble-t-il insinuer. Le travail en groupe et la transparence à travers toute la hiérarchie, pour éviter tout cloisonnement, constituent son cheval de bataille. Une des meilleurs clés de l’application de ce nouvel organigramme est le redéploiement horizontal des chefs de service et des cadres : personne ne doit exercer la même fonction que celle qu’il exerçait dans l’ancienne structure. Mais les thuriféraires du conservatisme ne voient pas cela du même œil. C’est une instruction qui risque de faire long feu. Ce Département semble frappé de strabisme divergeant. Un œil braqué sur la modernité managériale et l’autre rivé sur un héritage écrasant d’un quart de siècle d’archaïsme. Enfin, le Ministre a exhorté les responsables à rester en contact avec les cadres ayant choisi le départ volontaire et de continuer à les considérer comme faisant partie du personnel de ce département même à l’extérieur de locaux du Ministère.
Après cette réception, les cadres nommés savourent ostensiblement leur euphorie. Ils semblent recevoir une forte dose d’endomorphine qui les égaye et fait durer davantage leur enchantement. Jour après jour, cette dose tend à s’effriter et à s’estamper. Les responsables se réveillent petit à petit de leur "anesthésie" et commencent à regarder la réalité en face et à soupeser l’ampleur de la confiance du Ministre et la lourde responsabilité qui les attend.
En effet, comme il a été déjà annoncé plus haut, les Chefs de Division devraient proposer à leur directeur des cadres postulants pour les postes de chefs de services. Des entretiens ont été organisés dans ce sens pour choisir les femmes et les hommes avec qui le Chef de Division fera équipe pour mener à bien sa mission. Or les candidats à ces postes de responsabilité sont devenus une denrée rare, surtout à cause de l’opération " départs volontaires" durant laquelle beaucoup de cadres ont opté pour quitter définitivement le Ministère (soit 170 cadres environ ). La partie n’était pas du tout simple. On a assisté à une véritable chasse à la perle rare que représente un bon "chef de service". De l’autre coté, certains cadres ont fait du porte-à-porte pour vendre leur savoir faire et exprimer leur disposition à coopérer avec le chef de division. D’autres plus sûr d’eux , ont fait ostensiblement parade de leur savoir faire et attendent à ce qu’on les appelle et à ce qu’on leur fasse la fameuse proposition. Tout reste donc à faire. Car , tout le travail se fait normalement au niveau des services et le volume du travail élaboré par une Direction dépend en grande partie de la compétence du Chef de Service, à condition que les Chefs de Division, convaincus de leur promotion réalisent qu’ils ne sont plus chefs de service et que les Directeurs réalisent quant à eux qu’ils ne sont plus des chefs de division. A moins que l’on veuille continuer à travailler comme dans l’ancienne structure : arrêter l’instruction des dossiers au niveau de la division et négliger le vrai rôle du chef de service. Cela dépendrait du comportement managérial des nouveaux directeurs.
Maintenant la que fête des nominations est bel et bien terminée, il faut passer au boulot !!!. L’organigramme est bouclé avec la nomination des chefs de service. Les nouveaux Directeurs auront la responsabilité historique d’asseoir les assises de véritables Directions sur les bases de bonnes règles de gestion en application des directives qui leur ont été prodiguées par le Ministre. Car ce Département n’avait jamais eu de véritables Directions : c’étaient des entités dont le mode de gestion était archaïque. Dans ces entités mal gérées on ne travaille pas, on s’énerve et on se stresse. Les responsables suscitaient une vérité managériale non-euclidienne. Dans ce sens que"la ligne courbe est devenue chez eux le plus cours chemin entre deux points". Ces responsables font de l’ambiguïté une vertu cardinale. La culture orale qu’ils perpétuent leur a permis, des années durant, d’entretenir et de dissimuler beaucoup de contradictions. Espérons qu’avec la nouvelle équipe "la ligne droite redeviendra à nouveau le plus cours chemin entre deux points".

Omar Elfetouaki