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20/05/2005

LE STATUT DES ADMINISTRATEURS: UNE LIGITIMITE QUI TARDE A VENIR


Même en Europe il a fallu attendre la fin du siècle dernier pour faire admettre au patronat et à l’Administration Publique que la gestion d’une organisation est l’apanage des lauréats d’écoles supérieures de management, des facultés de droit, d’économie et des sciences de l’information. Depuis, la fonction d’administrer et de gérer suivant les nouvelles techniques de management, a pris une importance croissante . En effet, on ne peut élaborer un budget, manager des compétences, gérer des stocks de sécurité, lancer des marchés, moderniser une organisation etc. si l’on ne possède pas les paradigmes de base pré requis enseignés dans les grandes écoles et universités spécialisées. Par contre, la construction d’un pont, d’une autoroute, d’une voiture, d’une centrale, d’un immeuble sont des tâches qui nécessitent la maîtrise des mathématiques, de la physique, de la thermodynamique et des sciences de l’ingénieur d’une manière générale. Et les deux fonctions d’ingénierie et de management se complètent parfaitement et se conjuguent pour aider au développement et à l’épanouissement de toute organisation.
Dans l’Administration marocaine toutes les tâches ayant trait à la gestion se faisaient avec les moyens de bord. Elles étaient donc confiées aux fonctionnaires de tout horizon par manque, vraisemblablement, de cadres compétents spécialisés. Actuellement, les responsables de l’Administration s'obstinent, par un entêtement souvent subjectif, à continuer à ignorer et à minimiser le rôle que peuvent jouer les gestionnaires dans l’épanouissement de l’Administration Publique, malgré que cette dernière dispose de cadres de haut niveau, qu’on appelle communément les administrateurs et qui maîtrisent parfaitement les tâches de plus en plus complexes de la gestion. Si l’on parle tant de management aujourd’hui dans l’Administration, sans toujours oser employer ce terme aux relents ²privé², c’est par ce que le problème numéro un de l’Administration Publique , notamment dans les ministères à vocation technique, est désormais de refuser d’être imprégné par l’entendement des nouvelles techniques de gestion . L'Etat perd énormément sur le temps, sur le budget et gère mal d'une manière générale en agissant selon l'adage "n'importe qui peut faire n'importe quoi". En laissant des cadres non gestionnaires aux rênes de la chose publique , il participe, sans le vouloir, au maintien du cercle vicieux du sous-développement. Le redéploiement dans leurs corps d’origine de ces cadres qui gèrent mal le service public ne serait que bénéfique pour la communauté .
Revenons au terme ²administrateur ²déjà cité plus haut. Qu'est ce qu'un administrateur ? A ma connaissance, et jusqu'à présent, aucune définition juridique de ce vocable n'existe dans les textes régissant l’Administration Publique. Dans toute la paperasse administrative concernant les hauts fonctionnaires : titre de congé, certificat de salaire, certificat de travail, arrêté d'avancement etc. figurent les intitulés ²administrateurs-adjoint², ²administrateur² et ²administrateur principal². C'est seulement à partir de cette paperasse administrative qu'on peut hasarder une définition : un administrateur est un cadre ayant fait des études supérieures dans les domaines du management, de droit, d'économie, de sciences politiques ou de sciences de l'information. Bien sûr, une deuxième catégorie d'administrateurs est issue, elle, à travers une procédure administrative faisant prévaloir l'ancienneté et l'expérience acquise, chemin faisant, par l'intéressé durant sa carrière. C’est pour cette raison que d’aucuns taxent le corps des administrateurs d'être ²entaché ²par des cadres qui n'ont jamais fait d'études supérieures, et disant cela en font leur cheval de bataille pour minimiser l’importance de ces cadres . Je répondrais à ces messieurs en disant que cette remarque est valable pour tous les corps des cadres de la fonction publique et du privé: les ingénieurs, les médecins, les avocats les enseignants et j’en passe . Car tous ces corps, durant un moment de leur existence ont connu un déficit chronique en cadres qu'il a fallu combler pour faire face à un vide en compétences laissé par le départ des cadres français après l'indépendance. C’est alors que le législateur a permis l’ouverture des passerelles d’adjoint technique à ingénieur, d’adjoint de santé à médecin et d’un fonctionnaire ayant l’échelle 9 à administrateur. Il fallait attendre longtemps après l'indépendance pour que l'Administration soit dotée de cadres, fraîchement formés par les grandes écoles et universités nationales et étrangères, devant assurer la relève. Les statuts ont été alors élaborés pour réglementer et organiser les différents corps de cadres de l'Administration. Cela avait commencé d'abord par les médecins puis les avocats puis les enseignants et récemment les ingénieurs. Il faut se mettre à l'évidence que seul un statut spécifique , que le corps des administrateurs revendique, pourra mettre fin à "l'exode" des différentes catégories du personnel de la fonction publique vers celui-ci. Le statut en question préciserait le cursus, la fonction, le rôle et la mission dévolus à un administrateur .
Et pour terminer leur besogne les détracteurs du statut des administrateurs font des comparaisons inintelligibles et mal à propos : Pourquoi comparer les administrateurs aux enseignants, qui cela dit, ont tout notre respect pour leur noble mission et aux ingénieurs qui ont quant à eux tout notre estime pour leur participation à la création de la richesse nationale? D'où nous vient donc ce "syndrome de comparaison" ? Le corps des administrateurs ne veut être comparé à aucun autre corps, il veut se comparer à lui même! Car il a des compétences qui lui confèrent le droit de constituer un corps au même titre que les autres corps de l'Administration Publique. C’est une légitimité qui tarde à venir. Peut-être que c’est un droit qui n'est pas encore évident pour les responsables mais qu’il faut défendre avec conviction et abnégation . Pour ce faire, les administrateurs se sont organisés sous l'égide de la Fédération des Administrateurs de l'Administration Publique. Cette association a fait du bon travail en préparant un dossier bien ficelé logique et réaliste qu'elle a présenté au gouvernement. Ce dossier a été ²avalé ² par les rouages administratifs et il lui a fallu une pénible gestation bureaucratique pour refaire surface et faire l'objet d'une longue succession de compromis entre experts, de comités en commissions. Quelle fut la détresse chez tous les administrateurs, devant cet univers administratif hostile, sur lequel personne ne semble avoir prise qui retient d'une main d'acier leur dossier de revendication enfoui dans les labyrinthes des procédures routinières à ne plus en finir?
Que faire? Devant cette situation des mouvements de grève ont été observés, des sit-in organisés, et des brassards portés par l’ensemble des administrateurs pour signifier calmement mais avec beaucoup de dignité leur mécontentement. Le 30 avril dernier le Premier Ministre, dans son discours du premier mai a annoncé parmi d’autres mesures sociales le déblocage du dossier de l’administrateur. L'accord intervenu entre le Premier Ministre, les syndicats et la fonction publique parle en substance d'une ²régularisation de la situation administrative de l'administrateur². Le corps des administrateurs a été réjoui d'apprendre le dénouement du problème . Mais au fait, de quelle régularisation parle-t-on ? De l'élaboration d'un statut pour le corps des administrateurs ou simplement d’une régularisation pécuniaire de leur situation qui se concrétise par une augmentation de salaires.
Ce dernier volet ne fera qu'effleurer le dossier et le problème restera entièrement posé .


Omar El Fetouaki