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05/03/2014

LA TRANSITION ENERGETIQUE AU MAROC: UNE INCOHERENCE TEMPORELLE

Avant d’être adoptée par l’ensemble des pays occidentaux, la transition énergétique était un concept qui avait fait son apparition, pour la première fois,  dans la politique énergétique allemande de 1980.
Ce concept visait le changement du modèle énergétique basé essentiellement sur le pétrole, par un autre modèle fondé sur une source d’énergie pérenne et moins chère. Cette vision constitue la riposte aux deux chocs pétroliers qui ont gravement secoué l’économie de ces pays européens et  menacé sérieusement la sécurité de leur approvisionnement en énergie. Le baril est passé alors de 3 dollars au début de l’année 1973 à 35 dollars au début de l’année 1980. Ce fut la  raison pour laquelle la recherche scientifique s’intensifia aboutissant au lancement de l’électricité  nucléaire industrielle en 1980 et au développement des énergies renouvelables, dont la première centrale éolienne a vu le jour au début des années 90. S’en suivirent deux grands traités sous l’égide de l’ONU. Le premier traité est relatif à la déclaration de Rio de Janeiro en 1992 sur l’environnement et le développement qui a adopté une série de principes en faveur d’une gestion écologiquement rationnelle de l’environnement. Le deuxième concerne le protocole de Kyoto. Entré en vigueur en 2005, il vise  quant à lui la réduction des émissions de gaz à effet de serre. C’est à partir de cette date que commencent à être posés, un peu partout dans le monde, les premiers jalons de la politique moderne de l’environnement. 
La transition énergétique est redéfinie alors pour signifier désormais la substitution du modèle énergétique reposant essentiellement sur l’utilisation des énergies fossiles, qui sont épuisables et à l’origine des émissions de gaz à effet de serre, par un bouquet énergétique réservant une part importante aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique. LES énergies renouvelables  produisaient 19%  en 2006 de l’électricité consommée dans le monde et 20% en 2011. Une croissance de 40% (concentrée sur l’éolien et le solaire) est attendue entre 2013 et 2018, qui devront  permettre de produire 25% de l’électricité produite dans le monde à la fin de cette période. La part de l’électricité d’origine nucléaire va decrescendo passant de 17% en 1993 qui marqua son apogée à 10% en 2011. Cependant et malgré les efforts accomplis dans le développement du nucléaire et les énergies renouvelables, les énergies fossiles, qui ont certes subi une légère diminution, continuent d’assurer une part très  importante dans la consommation mondiale de l’énergie soit 81% en 2010 et 75% en 2035 précise l’Agence internationale de l’énergie dans son rapport de 2011.

 

Qu’en est-il du cas du Maroc? A l’instar des pays européens et juste après le premier choc pétrolier, le Maroc avait pris un certain nombre de mesures pour gérer la situation engendrée par le surenchérissement du baril de pétrole. Le ministère de l’Energie et des Mines fut créé en 1979. Une politique énergétique  ambitieuse a été élaborée à cet effet. Grosso modo, cette politique visait à réduire la dépendance quasi totale du Royaume du marché pétrolier international. Il s’agit d’intensifier la recherche pétrolière pour le développement des ressources nationales, de développer les énergies renouvelables et d’étudier la possibilité du lancement de l’électronucléaire. Dans la foulée, trois établissements furent créés: l’Office national de la recherche pétrolière pour intensifier la recherche pétrolière, le Centre national de l’énergie et des sciences et des techniques nucléaires pour le lancement de l’électronucléaire et le Centre de développement des énergies renouvelables dont la mission essentielle était la formation des cadres pour initier la recherche dans le domaine des énergies renouvelables. Donc le pays disposait désormais des outils nécessaires à l’accomplissement de notre transition énergétique. Malheureusement, ces établissements ont été vite rattrapés par la lourdeur et la bureaucratie administratives  et n’ont pas pu donner  les résultats escomptés.
L’effondrement du prix du baril de pétrole en 1986 donna un coup de grâce  à l’ambition incarnée par cette politique énergétique. Dans ce sens que pendant un quart de siècle, aucun projet de grande envergure programmé n’a vu le jour. La recherche pétrolière piétine toujours, le nucléaire est carrément abandonné et les énergies renouvelables peinent à frayer un chemin vers la concrétisation effective des projets. Les  ministres qui se sont succédé à la tête du département de l’Energie semblent tourner dans le cercle des vieilles routines les empêchant de mieux cerner une vision claire sur l’avenir de ce secteur  vital. Il fallait attendre l’année 2009 pour voir sourdre subitement de cette longue léthargie, une nouvelle stratégie de l’énergie qui est basée, cette fois-ci, sur le développement des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Cette stratégie prévoit la réalisation avant l’an 2020 de deux programmes solaire et éolien de 2.000 MW chacun. Ces deux projets, une fois réalisés, représenteront 42% de la puissance électrique installée à base des énergies renouvelables (hydraulique , éolien et solaire)  et 14%  de notre consommation en énergie électrique (chiffres disponibles sur le site du ministère chargé de l’Energie). Malheureusement, ces programmes sont toujours au stade d’appels d’offres. Il s’en suit que la part des énergies renouvelables (éolien et solaire)  ne dépasse guère 1% de la consommation nationale. La dépendance du Royaume  du marché international en énergie fossile s’établit toujours à 96%.  Même la demande en électricité subit, depuis une décennie, un déficit annuel de 1.400 MW qui sont importés depuis l’Espagne.
Ce constat négatif et désolant, héritage d’un cumul des erreurs de prévision, qui annonce clairement que notre transition énergétique n’aura pas lieu, du moins dans un proche avenir, provient du fait que notre politique énergétique souffre d’un problème de  «l’incohérence temporelle «qui nous empêche de passer des intentions à l’action. Dans ce sens que notre présent a été toujours désavoué par le futur.
Compte tenu de ce qui précède, les responsables du secteur de l’énergie ne semblent pas se soucier de l’accomplissement d’une véritable transition énergétique. Peut-être que leur intérêt serait décidément concentré sur la nécessité de combler, dans un premier temps, le déficit chronique en électricité et d’assurer au moins l’autosuffisance du pays en matière d’énergie électrique.

 

 

                                                                     Omar Elfetouaki : e-Mail : elfetouaki@gamil.com

 

   

 

 

Publié dans le quotidien" l'économiste" du 3/03/2013