21/02/2005
Les fonctionnaires entrepremants et les droits de l'homme
« L’Etat est le plus froid de tous les monstres froids »
NIETZCHE
Les années de plomb, tout le monde le sait maintenant, ont fait malheureusement beaucoup de victimes parmi les militants des partis politiques de l’opposition. L’Instance Equité et Réconciliation, en collaboration avec les Organisations Non Gouvernementales opérant dans le domaine des droits de l’homme, est actuellement à pied d’œuvre pour la réparation par la réhabilitation et la réinsertion sociale de ces victimes .
Ce que la majorité des gens ignorent peut être, est que même l’Administration a aussi ses moyens d’oppression pour faire asseoir sa politique et ses programmes durant ces mêmes années de plomb. Un ensemble de règlements codifiés et de procédures préfabriquées pour ces circonstances furent élaborés. Autant de recettes, toutes faites, qui constituent la négation du management efficace induisant torpeur et inefficacité. La plupart des responsables de l’Administration Publique, dans un secret total, en mettant en oeuvre ces procédures, avaient commis des exactions envers les fonctionnaires. On dirait que ces "hauts fonctionnaires" ont été chargés, de part leurs prérogatives, de dénicher, traquer et harceler, tous les cadres entreprenants, qui dénonçaient la politique ministérielle, ou proposaient une autre manière de gérer le service public. Pour accomplir cette besogne, ces"hauts fonctionnaires" étaient épaulés par des "cadres collabos" prêt à tout sacrifice pourvu qu’ils arrivent à satisfaire leur ambition personnelle.
Il faut dire que les responsables de l’Administration Publique ne sont pas soumis à un contrôle systématique selon lequel ils doivent présenter des résultats, à l’instar d’un Directeur Général d’une entreprise vis-à-vis de son conseil d’administration ; auquel cas les responsables auraient tenu compte de toutes les capacités des ressources humaines dont ils disposent pour prétendre à de bons résultats. Etant donné l’inexistence d’un tel contrôle, le responsable est livré à lui même, fait ce que bon lui semble et gère le service public suivant ses tempéraments et ses humeurs. Donc " n’importe qui , peut faire n’importe quoi" reste la devise de ses "hauts fonctionnaires". Le mode d’affectation et de distribution de postes de responsabilités est basé sur des critères qui ne reflètent nullement la vraie compétence du cadre prétendant à une responsabilité. Ce dernier doit répondre à des critères basés sur l’obédience, la non-transparence, le non-dialogue et la non-communication. Il est sommé de n’écouter que la pensée unique de la hiérarchie et ne point réfléchir. Ces hauts fonctionnaires irresponsables obtiennent de leur personnel une soumission sans condition ; « moi je pense et vous , vous vissez » disait Taylor. Les cadres ne répondant pas à ces critères seront marginalisés et entassés dans des bureaux et dans des couloirs qu’on appelle "couloirs de la mort".
Pour ce faire on leur prépare au préalable un bureau, comme dans une cellule de bagne, et puis on les oublie pendant des années. Le local est sans téléphone, sans ordinateur, car dit-on, leur "nouvelle fonction" ne justifie plus ce genre de matériel. Déchargés de toute responsabilité, ils seront persécutés à l’instar des opposants politiques. Leur situation administrative est sciemment gelée. Quelques-uns sont même arbitrairement présentés à des conseils de discipline abusifs et démis de leur fonction. D’autres connaissent des suspensions de salaire, des chantages, et des harcèlements moraux etc. Aucun dossier ne leur sera transmis pour étude, les séminaires et les missions leurs seront interdits . Pire, le cadre marginalisé devient un homme à qui ses collègues ne doivent plus adresser la parole de peur d’avoir les représailles de la part de chef immédiat ou s’attirer les foudres de M. le Directeur. Voilà comment on devient un banni de son lieu de travail tout en faisant partie du personnel du même département!! Et à chaque fois qu’on fait le recensement des cadres qui ne "travaillent pas", les bannis seront les premiers de la liste présentée au nouveau Ministre et le cycle de Sisyphe recommence.
Que font ces marginalisés? Il y a ceux qui attendent la nomination d’un nouveau Ministre dans l’espoir qu’on leur fasse appel pour les remettre sur le rail du travail ou qui attendent le départ en retraite ou l’affectation en dehors du Ministère où sévit leur détracteur. Il y a ceux qui sombrent dans l’alcool. Il y a d’autres, mais ceux-là sont moins nombreux, qui militent et croient dans l’avenir. La plupart se rabattent sur les centrales syndicales espérant avoir un soutien moral pour pouvoir supporter l’enfer quotidien du non-travail et de la marginalisation qu’ils vivent. Ils se constituent en "réfugiés politiques" se parlent, se passent des renseignements sur un éventuel changement de gouvernement ou toute autre information pouvant les aider à avoir une lueur de dénouement de leur situation. La promotion interne de leur tortionnaire complique les choses davantage. Il y a des cadres qui ont attendu quinze à vingt ans et qui sont sortis à la retraite sans avoir eu la chance d’être réhabilités. Quelle est la différence entre ces cadres, toute proportion gardée par ailleurs, et les bagnards ? réflexion bloquée, intelligence et effort intellectuel enfermés à jamais !! C’est encore plus vicieux : on vient tout seul le matin et on s’installe dans sa cellule qu’on quitte à midi pour y revenir l’après midi. Une incroyable discipline !!La fiche de notation et le titre de congé constituent la lucarne à travers laquelle les geôliers vérifient est ce que le bagnard est vivant et croupit toujours dans sa cellule.
Les rescapés de ces bagnes administratifs sont marqués à jamais par le fer comme des esclaves fraîchement vendus. Même après leur retraite ces cadres, dont la carrière a été sciemment brisée, continuent à souffrir de toutes les exactions qu’ils ont subies. Ces cadres de grande qualité se trouvent après des années de bagne administratif démunis de toute volonté pour mieux affronter le restant de leur vie. Pénaliser l’ambition, c’est décourager le travail, l’initiative et l’innovation. Garantir à tout prix un revenu à ceux qui se trouvent empêchés de travailler, c’est transférer progressivement leur responsabilité en exigence et faire de personnes libres des assistés permanents. Tout est fait pour porter atteinte à la capacité de produire de l’individu. Imaginer des centaines de cadres compétents qui sont ainsi obligés à cesser de réfléchir et à renoncer à leur droit des plus légitimes : le Travail !!!
Il est judicieux, dans le cadre de la réconciliation nationale engagée par le gouvernement, de réhabiliter ces cadres , de les conforter et veiller pour qu’à l’avenir, ce genre de comportements ne se reproduise plus. Il s’agit aussi de rendre à l’Administration marocaine la dignité que ces hauts fonctionnaires irresponsables lui ont ravie. Car, seuls les hommes qui pensent savent que dans le travail se trouve le salut moral, physique et social de la race humaine.
Omar Elfetouaki
15:55 Publié dans le management | Lien permanent | Commentaires (0)