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06/02/2017

PRODUITS PETROLIERS AU MAROC: STOCKS DE SECURITE OU STOCKS STRATEGIQUES

L’euphorie engendrée par le développement spectaculaire des énergies renouvelables au Maroc et l'organisation de la prestigieuse conférence des Nations Unis sur le climat (C O P 22) à Marrakech ne doivent pas  occulter ni éclipser les problèmes qui peuvent compromettre l'approvisionnement normal du pays en produits pétroliers.

Certes, Aucune pénurie n'a été constatée à travers toutes les régions du royaume, malgré la fermeture tragique de la raffinerie Samir ; les sociétés de distribution approvisionnent actuellement le marché national en produits pétroliers dans de bonnes conditions. Certes, cette conjoncture durera aussi longtemps que le prix du baril de pétrole persistera à son niveau actuel et tant que le marché du pétrole demeurera un marché acheteur. Dans ces conditions, le risque de voir perturber l’approvisionnement du pays, reste improbable.

Cependant une imprévisible crise pétrolière internationale est susceptible de perturber dangereusement notre approvisionnement en carburant.

Justement, les événements qui ont marqué l’histoire du pétrole ont montré la vulnérabilité et l’incertitude continuelle de pouvoir maîtriser durablement la disponibilité de ce produit, devenu la première source d’énergie dans le monde. Le premier choc pétrolier secoua violemment l’économie mondiale et mit fin au pétrole bon marché. Face au risque permanent d’une éventuelle rupture d’approvisionnement, les pays de l’OCDE ont réagi en créant, en 1974 L’Agence  Internationale de l’Energie ( AIE ) . L’adhésion  à cette agence exige des pays membres la détention et la conservation des stocks  appelés "stocks stratégiques" équivalents à trois mois de leurs importations des hydrocarbures. Un grand nombre de pays importateurs  net de pétrole ont été de conserve et ont, chacun à leurs manières, et selon leurs moyens, opté pour la détention de ces stocks.  

La notion de stocks stratégiques n’a pas encore fait son apparition dans le jargon de la réglementation pétrolière marocaine. On parle toujours des stocks de sécurité dont la constitution et la conservation furent obligatoires depuis 1961 par arrêté n°578-61. Le même arrêté a été modifié en 1968, 1977  et en 2008. Actuellement, et conformément  à l’arrêté n°1447- 08, le raffineur doit disposer d’un mois de stock représentant la moyenne mensuelle de ses ventes. Les centres emplisseurs et les sociétés de distribution,  doivent disposer respectivement de deux mois représentant la moyenne mensuelle de leur emplissage et de deux mois de vente mensuelle par produits n’excédant pas 2000m³ majorés d’un mois par région et d’un mois de stocks en Kérosène par aérodrome.

A travers l’histoire de ces fameux stocks de sécurité, l’Etat avait toujours aidé les distributeurs à constituer et à conserver ces stocks. En 1976, l’Etat avait instauré une ristourne de 0,7% sur la valeur des stocks détenus par les distributeurs. En 1981, juste après le deuxième choc pétrolier il fallait sécuriser d’avantage l’approvisionnent. Pour ce faire, une rubrique intitulée marge spéciale pour le financement des stocks a été instituée au niveau de la structure des prix. Cette marge a été fixée à 4 DH l’hectolitre de carburant vendu. Juste après la privatisation cette marge a été suspendue pour les produits liquides. La somme collectée s’élève à 4 milliards de DH environ. L’on se demande, par ailleurs, l’usage qui a été réservé à cette somme importante !

Malgré toutes ces mesures encourageantes, ces stocks dits réglementaires ne se sont  jamais constitués. La tutelle et le secteur des hydrocarbures savent pertinemment que le niveau  des stocks  est loin d’être  satisfaisant; mais à force de le savoir les responsables s’y sont probablement accoutumés et ne réagissent plus à cette négligence. Il faut avouer, qu’aucun évènement ne s’est jamais produit pour mettre à l’épreuve notre  aptitude à faire face à une rupture de stock en produits pétroliers

Même les capacités de stockage existantes sont en deçà des besoins réglementaires. Elles se montent actuellement à 1,5 millions m³, tout produit confondu (excepté le butane) et ne représentent que 39 jours de consommation. Pourquoi? Depuis la nationalisation du secteur de la distribution en1974 le Maroc connaîtra un déficit permanent en matière de stockage des produits pétrolier.  L’Etat  actionnaire a toujours été indulgent soit par négligence soit par manque d’une stratégie claire en matière de stockage. Le préfinancement du secteur de la distribution de la péréquation due par la caisse de compensation  avait affaibli la capacité de financement des sociétés et contribué également, et dans une large mesure à aggraver ce déficit. Il fallait attendre les années 90 à l'aune des libéralisations du secteur, pour assister à de nouvelles réalisations de capacités de stockage au niveau des ports de Jorf Lasfar et du Tanger Med.

Quoiqu’il en soit, et quand bien même les distributeurs disposeraient des capacités de stockage suffisantes, ces quantités détenues fluctuent suivant le marché et la politique financière de la société. Elles présentent un caractère ambulatoire et permettent, quand elles sont constituées, de servir  uniquement une demande  plus forte que la demande moyenne prévue en dehors de toute pénurie. Ces stocks dits de sécurité ont donc une connotation commerciale et ne représentent aucunement les vrais stocks stratégiques. Les stocks stratégiques permettent quant à eux de faire face à un  problème majeur de pénurie qui risque de toucher tout le royaume. Ces stocks là, doivent être la priorité de l’Etat marocain, soumis à une autorisation préalable du ministère de tutelle ou d’une autre autorité compétente et n’être entamés qu’en cas de nécessité majeure ou dans le cadre d’un renouvellement des produits stockés. Car ce sont eux qui incarnent, quand ils existent effectivement,  la vraie sécurité de notre approvisionnement en pétrole.

On n’insistera jamais trop sur la nécessité impérative de protéger notre planète  sans pour autant oublier l’urgente obligation de protéger notre approvisionnement en produits pétroliers. 

LA REGIONALISATION

Actuellement plus de 80% des capacités de stockage sont concentrés aux ports d’importation permettant aux distributeurs de s’approvisionner directement sur le marché international. Or et pour être efficace les centres de stockage stratégiques  des produits pétroliers doivent être répartis sur tout le territoire national dans le cadre de la loi sur la régionalisation avancée du royaume. La dispersion de ces stocks favorise, grâce à leur proximité vis-à-vis du consommateur final,  leur  utilisation en cas de rupture des circuits d’approvisionnement en carburants.

 

 

PUBLIE DANS L'ECONOMISTE DU 27 OCTOBRE  2017