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25/08/2013

INDEXATION DES PRODUITS PÉTROLIERS: L’ÉPREUVE DE VÉRITÉ




Le gouvernement serait en passe d’adopter à nouveau le système d’indexation des produits pétroliers raffinés, qui a été suspendu en septembre 2000. En agissant de la sorte, l’Etat ne fera que se conformer aux exigences concernant la ligne de précaution de liquidité de six milliards de dollars qui lui a été octroyée l’an dernier par le FMI et confirmée pour l’année 2013. Parmi ces exigences, l’atténuation, voire la suppression des subventions des produits de base, occupe une place prépondérante. Peut-être que le retour au système d’indexation présente pour ses thuriféraires une des opportunités à saisir pour alléger la péréquation des produits pétroliers.
Mais avant  de poser la question sur l’opportunité de la mise en application de cette formule d’indexation, il paraît judicieux de se demander quelles étaient les raisons qui avaient incité le gouvernement de l’époque à la suspendre?
Pour répondre à ces deux questions fondamentales, l’on se propose de  revisiter l’histoire  en rappelant les facteurs qui avaient milité en faveur de l’instauration de ce fameux système d’indexation et, partant, les causes qui avaient précipité sa suspension.

Convaincre le gouvernement marocain

Ce fut la Banque mondiale, cette fois-ci, qui avait suggéré et recommandé la  formule d’indexation qui devait être le fer de lance de la privatisation du secteur pétrolier achevée en 1996 pour le secteur de la distribution et en 1998 pour le secteur du raffinage. Evidemment, les arguments ne manquaient pas à la délégation de la Banque mondiale pour convaincre le gouvernement marocain  de l’époque quant à la mise en application de cette formule de calcul qui permettra de stimuler la concurrence entre la production de la Samir, d’une part, et le marché pétrolier international de Rotterdam, d’autre part. Ce qui permettra au consommateur de profiter des meilleures conditions d’achat sur les plans prix et disponibilité des carburants répondant aux caractéristiques internationales. Enfin, elle permettra d’alléger le fardeau de la Caisse de compensation, ce que l’ancienne méthode de fixation des prix n’avait toujours pas été arrivé à réaliser, compte tenu de la lourdeur et de l’archaïsme de la procédure. Grosso modo, c’est un système qui permet, suivant une formule de calcul basée sur la moyenne des cotations des produits pétroliers raffinés sur le marché pétrolier de Rotterdam, de répercuter, d’une manière automatique, les variations à hauteur de 2,5% en hausse ou en baisse sur le prix de vente au public.
Le système fut adopté en 1995. La Samir continue de livrer le marché national en produits raffinés, les sociétés de distribution ne pouvaient pas procéder à des importations massives à cause de la faiblesse de leurs capacités de stockage reliées aux ports. Et par conséquent, la concurrence n’a jamais joué son rôle stabilisateur des niveaux des prix.
Les caractéristiques des produits pétroliers raffinés resteront également consignées dans des textes qui ne seront jamais appliqués faute de moyens de contrôle du département de la tutelle. Malgré la pertinence de ces remarques, la formule continue d’être appliquée presque machinalement.

Personne ne parle plus de la formule magique

Le facteur déterminant qui avait poussé le gouvernement à suspendre le système fut la flambée des niveaux de prix du baril  passant de 16 dollars en 1995 à 28 dollars en 2000. Cette augmentation provoqua un déficit  de la Caisse de compensation de 6 milliards de DH  entre août 1999  et juillet 2001 dont 50% seront payés par le budget de l’Etat. Une première! 
La nouvelle formule de fixation des prix sera suspendue et son application  n’aura duré que cinq ans. Depuis, l’Etat s’est réservé le droit de répercuter ou de ne pas répercuter, sur les prix de vente au public, la diminution ou l’augmentation découlant de la formule d’indexation.
La Samir continue, elle, comme si de rien n’était, à bénéficier de la formule d’indexation pour la partie raffinage de la structure des prix et facture aux sociétés de distribution un prix de reprise intriqué des charges de raffinage, des taxes  et de la péréquation due par la Caisse de compensation.
Il semblerait que le système d’indexation a été mis en application rien que pour débarrasser le secteur de raffinage du fardeau de la Caisse de compensation et de le faire  supporter en entier par le secteur de la distribution. Et depuis, personne ne parle plus de la formule magique.

L’ère du pétrole bon marché est révolue

Et maintenant, près de treize ans se sont écoulés et l’Etat envisage à nouveau le retour au système d’indexation dans une conjoncture qui n’est pas celle de 1995.  Le baril de pétrole coûtait 17 dollars en 1995 et 28 dollars en 2000. Actuellement, le prix du baril de pétrole dépasse les 100 dollars US. La péréquation des produits de base  qui s’élevait en 1995  à 6 milliards de DH se monte en 2012 à 53 milliards de DH, ce qui représente 6,3% du PIB. L’ère du pétrole bonmarché est révolue. La tendance haussière du prix du pétrole à moyen et long terme est irréversible du fait de la situation du marché mondial du pétrole. La demande reste supérieure à la production. La situation politique  en Irak, en Libye et plus récemment en Egypte augure d’une augmentation du prix de pétrole ou, tout au moins, d’un maintien des prix actuels. D’autres prédicateurs soutiennent une diminution des niveaux de prix du baril de pétrole des années 90 compte tenu de la future production de pétrole aux Etat-Unis à partir des schistes. Il reste donc très difficile de se prononcer sur la prévision des niveaux de prix du baril de pétrole.
L’on se demande pourquoi le gouvernement, sur insistance du FMI, décide de l’application d’une formule qui avait déjà été essayée et n’a pas donné les résultats escomptés? Qu’est-ce qui a pu changer depuis la suspension de la formule pour la réessayer une autre fois? On a acquis certes quelques avancées sur le plan démocratique, mais l’économie nationale n’a pas connu un essor important qui garantit l’emploi pour tous et un pouvoir d’achat convenable.
«La folie c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent», disait Einstein.

Eroder davantage le pouvoir d’achat

Il est évident que toute augmentation du prix de baril se répercute soit sur le consommateur soit sur le budget de l’Etat. Donc, c’est au moment où les prix du baril sont élevés que l’Etat doit gérer les prix de vente au public, pour permettre l’accompagnement social et politique du consommateur et laisser de côté les techniques purement comptables et budgétaires. Et toute application stricte de la formule risque d’éroder davantage le pouvoir d’achat du consommateur.
Car ce dernier supporte deux fois la même augmentation: à travers sa propre consommation en produits pétroliers et à travers les autres augmentations induites par l’économie nationale. L’indexation des prix n’est intéressante que dans la mesure où les grilles de salaires sont elles-mêmes indexées sur le coût de la vie.

 

( Article publié dans L'ECONOMISTE   du 23 août 2013