03/03/2010
LA FICTION ENERGETIQUE AU MAROC
Depuis cinq décennies, et dans le cadre de ses prérogatives, le département chargé de l’énergie a piloté à vue la réalisation de projets énergétiques en application des différentes "politiques énergétiques". Ces projets convergent tous vers un même objectif: l’exploitation des ressources énergétiques nationales dans le but de réduire la dépendance énergétique du Royaume.
Malheureusement, ces projets n’ont jamais pu atteindre le résultat escompté. Pourquoi ? Avec le temps, les responsables se rétractent, désavouent un projet en cours de réalisation et entament un autre qui ne sera jamais réalisé à son tour.
C’est ainsi que la recherche pétrolière a été lancée depuis les années 60. Malgré l’assouplissement et les encouragements attrayants du code des hydrocarbures promulgué en l’an 2000, le projet trainasse toujours. Les années 80 connaitront également le lancement de trois projets énergétiques importants suite au deuxième choc pétrolier et au piétinement de la recherche pétrolière : le développement des énergies renouvelables, l’exploitation des schistes bitumineux et l’électronucléaire. Le premier sera vidé de sa véritable mission et laissé à vau-l’eau après l’effondrement des prix du baril de pétrole en 1985. Le deuxième a été carrément abandonné à cause du prix de revient du baril de pétrole exprimé du minerai par pyrolyse. Le troisième projet reste d’actualité. Cependant, il est toujours annoncé sans conviction aucune, juste pour compléter et étoffer les axes autours desquels s’articule une nouvelle "politique énergétique". Plus récemment, le projet de l’introduction du gaz naturel dans la consommation nationale, qui visait la création de bretelles devant acheminer le gaz vers les zones industrielles, a été lui aussi subitement abandonné. Ce projet s’est heurté, parait-il, au refus de l’Algérie d’augmenter le volume des quantités de gaz naturel livré à l’Europe transitant par le Gazoduc Maghreb Europe. Cinq décennies durant, le Département de l’Energie ne fait que patauger, tâtonner et finit par devenir une véritable machine infernale à produire des projets, et rien que des projets dont les retombées économiques étaient largement vantées au début, et qui finissent malheureusement toujours par ne pas être réalisés.
Actuellement, il parait que c’est le tour des énergies renouvelables, notamment le solaire, qui reviennent à nouveau et sur lesquelles repose l’espoir de pouvoir réduire notre facture énergétique. Pourquoi pas ? Le Maroc dispose d’un gisement inépuisable de rayonnement solaire. Avec une irradiation solaire annuelle moyenne de 1770 à 2100kwh/m2, ce gisement, s’il venait à être utilisé à bon escient, peut constituer une véritable alternative pour assurer au pays un approvisionnement pérenne en énergie propre.
Et c’est dans ce cadre que la Ministre de l’Energie et des Mines de l’Eau et de l’Environnement lance, depuis la ville d’Ouarzazate cette fois, le 2 novembre dernier, un important projet de production d’électricité d’origine solaire. Le projet prévoit la construction de cinq centrales thérmosolaires. Ce projet qui couterait une bagatelle de 9 milliards de dollars, ambitionne la production de 2000 MW à l’horizon de 2025. Il permettra une réduction importante du dégagement de CO 2 et une économie d’un million de tonne équivalent pétrole. La technique qui sera utilisée est l’une des plus récentes qu’a connu le domaine : le solaire thermique à concentration.
Ce projet solaire dépasse, sur tous les plans, la capacité de réalisation du Département de l’Energie et celle de l’Agence de Développement des Energies Renouvelables et de l’Efficacité Energétique. Et c’est peut-être pour cette raison que le projet a été confié à une entité autonome fraichement créée à cet effet : l’Agence Nationale de l’Energie Solaire. Si le montage financier de l’investissement est presque arrêté, du moins la partie qui sera financée par les fonds publics, les futures collaborateurs du président du directoire et le personnel de cet établissement représentent la partie cachée de l’iceberg. On rappelle à juste titre qu’il est devenu presque de coutume, en de pareilles créations, que l’administration de tutelle affecte à l’entité nouvellement instituée, des cadres administratifs et ingénieurs, choisis parmi ses fonctionnaires pour soi-disant leur expérience et leur savoir faire en matière énergétique. Ces cadres, en dépit de leur compétence et de leur bonne volonté, charrient derrière eux, la lourdeur, la léthargie et la mentalité administrative. Cette façon d’agir risque de compromettre la bonne marche du projet qui risque d’avoir le même sort que ses prédécesseurs. Ce genre de projet nécessite le recrutement de nouveaux cadres fraichement issus de grandes écoles et instituts qui maîtrisent les nouvelles connaissances et animés d’une ambition fougueuse pour réussir le défi. Car la construction des centrales solaires n’est pas une fin en soi et ne présente qu’un volet du projet. Mais investir dans la recherche et développement dans le domaine solaire et la formation des cadres, c’est là le véritable challenge. Si on ne maitrise pas la technologie, le pays restera toujours tributaire et dépendant de l’extérieur. Il est évident que dans ce domaine, ce n’est pas l’accès à la matière première qui représente l’élément primordiale mais c’est la maîtrise de la technologie qui en représente le critère déterminant nécessitant la mobilisation d’un savoir-faire technique et industriel très avancé.
Espérons que le futur management de l’Agence Nationale de l’Energie Solaire saura prendre en considération la taille de ce projet de grande envergure. Il sera de ce faite, s’il venait à être réalisé, le projet national de la prochaine décennie du XXIème siècle. Et c’est aussi une gageure que de réussir ce projet pour pouvoir mettre un terme au feuilleton de la fiction énergétique au Maroc.
Omar Elfetouaki
E-mail : elfetouaki_om@yahoo.fr
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