22/02/2005
Agence de régulation de l'énergie
La Samir a été privatisée en 1997. La SCP qui a été cédée auparavant au même investisseur fut absorbée par la Samir en 1999. Avec cet acte la société CORRAL a bouclé la boucle et un monopole naturel du raffinage naquit au Maroc. De ce fait la concentration du contrôle financier et technique est mis entre les mains d’un conseil d’administration au sein duquel aucune institution du droit marocain en dehors de l’assureur SANAD (5%) n’est représentée, ce qui lui confère le pouvoir de prendre des décisions à sens unique . Pour légitimer un tel monopole et selon le cahier des charges, l’Etat marocain garantit à la Samir une protection douanière de 5ans durant lesquels cette dernière se doit d’investir environ une somme de 7 milliards de DH pour moderniser son outil de raffinage en vue d’améliorer la qualité des produits raffinés à l’instar de nos voisins européens.
Une fois que le démantèlement des droits de douane sera terminé et le monopole comme il est né, sera naturellement aboli en ce sens que les sociétés de distribution seront en droit de s’approvisionner en partie ou en totalité à partir du marché international. C’est là où l’approvisionnement normal du pays en produits pétroliers risque d’être compromis . En effet, les deux acteurs , le raffineur d’une part et les distributeurs d’autre part ont des intérêts divergents car le premier n’a de gain que s’il raffine la totalité de la consommation nationale et les seconds n’auront de gain substantiel que s’ils importent directement la totalité de leurs besoins . L’un voulant récupérer l’amortissement de son investissement - si investissement il y aurait- en rentabilisant son outil de raffinage l’autre voulant récupérer l’amortissement des nouvelles capacités de stockage reliées aux ports . La Samir peut continuer à produire comme si de rien n’était au risque de ne pas pouvoir écouler sa marchandise et mettre la tutelle devant le fait accompli. De leur côté les distributeurs peuvent faire valoir leur droit tant réclamé ; celui d’ importer les quantités qu’ils estiment pouvoir écouler sur le marché national. Qui doit donc assurer l’arbitrage entre les distributeurs et la Samir pour sauvegarder les intérêts du consommateur et de la collectivité ?
L’expérience de ces années de monopole de la Samir nous a montré que face au conseil d’administration à sens unique , la tutelle ne fait qu’entériner les décisions prise par celui-ci du fait, vraisemblablement, d’un vide réglementaire et juridique en la matière. La logique retenue lors de la cession, s’est peut-être focalisée sur le coté pécuniaire sans pour autant mener une réflexion sur la sécurité de l’approvisionnement du pays à long terme . Cette expérience a en outre généré un volume de problèmes et un changement dans la nature des conflits entre opérateurs et gouvernement qui sont maintenant suffisants pour identifier l'importance et la nature d’une nouvelle génération de problèmes économiques et institutionnels qui n'avaient pas été anticipés au moment des privatisations.
L’incendie qui a ravagé la Samir le 25 novembre2002 n’est qu’un exemple parfait de cette omission . Même l’arsenal juridique dont dispose le Département de l’Energie présente des failles dans le domaine du contrôle de sécurité et de la qualité par, oubli ou par négligence d’élaborer les textes réglementaires spécifiques en vue de l’application du dahir et du décret instituant le ministère.
La Banque mondiale avait déjà attiré l’attention des responsables du secteur de l’énergie sur le vide juridique qui pourrait résulter de la privatisation de ce secteur. Par conséquent la Banque avait vivement recommandé pour le Maroc la création d’une Agence de Régulation qui aura pour tâche d’élaborer des textes réglementaires régissant le secteur de l’Energie en vue de faire face à un éventuel déficit dans ce domaine . D’ailleurs depuis le début de la “vague de libéralisation”, on observe que, dans presque tous les pays concernés par ce mouvement, de nouvelles agences de régulation ont été créées dans le but de leur permettre de contrôler, de façon indépendantes des autorités politiques, les monopoles de grandes sociétés de production industrielles ou des sociétés fournissant des services publics . C’est le cas de la création au Maroc, de l’Agence Nationale de la Réglementation des Télécommunications (ANRT) à la veille de l’attribution de la deuxième licence GSM.
Il est indispensable dès maintenant de réfléchir pour mettre en place une Agence de Régulation de l’Energie qui aura pour tâche d’assurer la régulation économique du monopole naturel , la gestion des approvisionnements et l’application de la réglementation portant sur la sécurité industrielle et la protection de l’environnement et veille également à l’accès libre et non-discriminatoire des tiers au monopole concédé par l’Etat . Il s’agit d’une entité destinée à limiter l’atavisme d’un opérateur âpre au gain et faire en sorte qu’il travaille plus dans l'intérêt des consommateurs, de ses employés et agit dans le cadre d’une concurrence légale .
D’ici là si rein n’est fait les producteurs et les distributeurs seront obligés de mettre flamberge au vent pour défendre leurs intérêts au détriment, finalement, du consommateur.
Omar El fetouaki
11:05 Publié dans énergie | Lien permanent | Commentaires (0)
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