11/03/2005
Pour quoi le nucléaire marocain claudique?
« Rien n’est plus imminent que l’impossible » (Victor Hugo).
Nombreux sont ceux qui associent le mot « atomique » à la bombe, mise au point il y a plus de 50 ans. Mais depuis cette époque, on s’est orienté vers une utilisation pacifique de l’atome et l’arme nucléaire n’est officiellement détenue que par cinq pays ( la France , Russie, Chine, USA et Grande Bretagne ) auxquels il faut ajouter récemment deux pays l’Inde et le Pakistan . En signant le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires le reste du monde soit quelques 180 pays, a renoncé à fabriquer ou acquérir des armes nucléaires . Le traité garantit aux signataires en contre partie l’accès à la technologie leur permettant d’utiliser le nucléaire à des fins pacifiques tel que : les centrales nucléaires pour la production d’électricité, applications des techniques nucléaires dans le domaine de la santé de l’agriculture et de l’ eau etc.
Avec l’avènement de l’électronucléaire, les pays qui en maîtrisent la technologie croyaient trouver une solution miracle pour réduire leurs importations en produits pétroliers et croyaient également avoir une source d’énergie électrique pérenne. Le premier réacteur fut construit aux USA en 1951 . En1960 l’énergie nucléaire entamait déjà une ère d’industrialisation rapide. C’est ainsi qu’au début de l’année 1997, 32 pays possèdent un parc électronucléaire avec au total 441 réacteurs de puissance en service. En l’an 2000, l’énergie nucléaire aurait fourni 31 % de l’électricité en Europe occidentale( 77% en France ), 15 % en Amérique du Nord, 2,8 % en Amérique latine et 2,4 % en Afrique.
Cependant la société civile bien organisée en Europe et à travers le monde a tiré la sonnette d’alarme sur le danger que peut constituer un accident nucléaire sur la vie humaine . Cette compagne antinucléaire a donné ses fruits puisque sur les 18 pays européens de l’OCDE, huit n’ont jamais produit d’électricité nucléaire (Danemark, Grèce, Islande, Irlande, Luxembourg, Norvège, Portugal et Autriche), l’Italie a arrêté son programme électronucléaire , les Pays-Bas ,l’Allemagne et la Suède ont défini des politiques pour abandonner définitivement le nucléaire , les autres (sauf la France et la Finlande) n’ont pas de réacteur en projet.
A l’instar des pays non-producteurs de pétrole le Maroc devait chercher une alternative pour réduire sa dépendance énergétique vis-à-vis des marchés extérieurs . D’abord le choix a été porté sur l’exploitation des schistes bitumineux . Cependant les premières analyses ont abouti à un prix du baril très cher et dépasse de loin celui du marché international. Dans le même ordre d’idées le nucléaire est maintenu comme axe prioritaire dans le plan quinquennal 77 – 81, qui prévoit la possibilité de la réalisation d’une centrale nucléaire de faible capacité compte tenu des besoins du marché d’électricité de l’époque pour contribuer à la réduction de la facture pétrolière . Pour ce faire tout un programme est lancé . On devrait installer à la faculté des sciences de Rabat un petit réacteur (le TRIGA) qui pouvait être alimenté par l’uranium extrait des gisements de phosphates qui constituent la première richesse du royaume. Parallèlement une structure administrative chargée du ‘’ ‘’ Nucléaire’’ a été créée au sein de la Direction de l’Energie au début des années 80 . Ce service devait élaborer, en concertation avec l’AIEA, les textes réglementaires régissant le secteur. Le Maroc a fourni un effort indéniable en matière de formations de spécialistes en technologie nucléaire grâce à la contribution de la France et l’AIEA en vue de maîtriser la technologie, en lançant la recherche scientifique pour asseoir une infrastructure scientifique qui permettra d’entamer le programme nucléaire national. Enfin et pour promouvoir les techniques nucléaires le CNESTEN a été créé en1986 . Piloté par ce dernier , le centre d’études nucléaire à Maâmoura est en cours de réalisation .
Les textes instituant le CNEN furent promulgués en 1993 . Ces textes prévoient la création des commissions servant d’instruments de gestion qui allaient asseoir une véritable stratégie pour le développement du nucléaire au Maroc . C’est ainsi que sur le plan institutionnel le secteur du nucléaire au Maroc est doté de structures organisationnelles modernes lui permettant d’assurer la promotion et le développement des techniques nucléaires. Cependant ce secteur présente une organisation chaotique , et qui par conséquent n’a pas de coordonnateur ; le CNEN qui devait assurer ce rôle ne fonctionne toujours pas . La création de la Commission Permanente de Suivi des Affaires Nucléaires ( COPSAN) instituée auprès du Premier ministre , est un bon signe de dénouement , mais reste insuffisant eu égard à l’effort à consentir pour synchroniser les efforts de tous les intervenants .
Membre de l’AIEA depuis1957, le Maroc a ratifié le traité du non prolifération des armes nucléaires et l’utilisation pacifique des techniques nucléaires en 1972 , ce qui lui confère la possibilité d’avoir accès à la technologie lui permettant d’utiliser le nucléaire à des fins pacifiques . Les relations de coopération sont exemplaires avec l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) La coopération avec l’AIEA a donné des résultats satisfaisants en ce qui concerne les applications des techniques nucléaires dans les domines de la médecine nucléaire, de l’hydrologie isotopiques, et de l’agriculture
Le projet de réalisation d’une centrale électronucléaire au Maroc initié en 1984 et confié a l’Office National d’Electricité (ONE) a été repris de nouveau et l’étude de faisabilité du projet rentre dans le cadre de la coopération entre le Maroc et l’AIEA . Certes, l’ONE maîtrise la production thermique et hydraulique, le transport et la distribution de l’électricité. Cependant l’analogie entre la technologie des centrales thermiques et la technologie des centrales nucléaires n’existe pas . Cette dernière exige une nouvelle équipe , une nouvelle mentalité et une nouvelle culture du nucléaire . La gestion sûre de la technologie nucléaire nécessite la capacité de
réagir promptement aux incidents ou accidents susceptibles de menacer la santé des humains.
Jusqu’à présent les responsables marocains ne tiennent compte que des considérations purement économiques à savoir dépendance énergétique, diversification des ressources énergétiques etc. comme si le Maroc disposait de la technologie de fabrication des centrales nucléaires et Maîtrisait la sûreté nucléaire. Les considérations politiques internationales sont rarement évoquées. C’est ainsi qu’on peut énumérer indéfiniment les vertus et avantages de la production d’électricité par des centrales nucléaires ,mais sa cherté et sa technologie ne permettent pas pour le moment à un pays en voie de développement comme le Maroc d’en disposer.
Le problème du nucléaire dans les pays en voie de développement a pris un autre tournant après la guerre du golfe en 1990 . Il s’agit pour les pays qui en détienne la technologie de ne pas la mettre entre les mains des dirigeants qui peuvent l’utiliser à d’autres fins non pacifiques .La situation est compliquée après les événements du 11 septembre 2001 et il le sera encore davantage avec la tension entre l’Irak et les USA. Le risque d’usage militaire du plutonium fabriqué dans les réacteurs est important. Le coût des exportations est aussi environnemental : exporter une technologie qui requiert des dispositifs de sécurité très lourds à des pays qui n’ont pas les moyens de l’assurer à long terme peut s’avérer dangereux. Les sommes d’argent mises en jeu dans le nucléaire, technologie complexe et dangereuse, sont colossales . Les dépenses de sûreté coûtent très chères, et semblent sans fin, devant l’incommensurable danger du nucléaire.
Pour pouvoir profiter des avantages de l’électricité d’origine nucléaire , le Maroc n’a qu’une seule possibilité à étudier, c’est de donner la concession à une société étrangère pour la construction et l’exploitation d’une centrale électronucléaire dans une zone franche et dont la production serait destinée à l’ONE . Cette centrale pourrait être conçue également dans le cadre régional et permettra de renforcer les relations d’interconnexion dans le domaine de l’électricité, entre les pays du Maghreb d’une part et les pays européens d’autre part .
Omar ELFETOUAKI
16:59 Publié dans énergie | Lien permanent | Commentaires (0)