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26/02/2005

Le contrôle technique des installations pétrolières au Maroc


Il est des pratiques et concepts qui restent toujours d’actualité et que même les avatars du temps n’arrivent pas à rendre désuets et dépassés. C’est le cas de l’exercice du contrôle des installations industrielles. Pour assurer la sécurité des biens et des citoyens la mission majeure de l’Etat est la régulation et le contrôle. Il est évident que l’Etat doit veiller à ce que cela soit mené dans de bonnes conditions. Malheureusement l’exercice de cette besogne noble qu’est le contrôle fait défaut dans nos établissements industrielles d’une manière générale et dans les installations pétrolières plus particulièrement
Qui doit faire le contrôle de ces installations dites dangereuses ? Pour le grand public et en ce qui concerne les produits pétroliers, c’est le Ministère de l’Energie et des Mines qui est le seul responsable de cette tâche. Mais en réalité il y a une multitude d’intervenants dans cette affaire ; de sorte que la mission du contrôle apparaît souvent difficile et presque impossible. Je ne pense pas que le législateur eut fait cela sciemment, mais les textes d’application des dahirs et décrets dans le domaine ont été élaborés de façon à ce que personne ne soit dans l’obligation d’exercer le contrôle de ces installations . « Le visage partagé n’est jamais bien nettoyé ». Cet adage populaire marocain s’applique parfaitement au problème du contrôle dans le secteur des hydrocarbures.
La construction des installations pétrolières nécessite, au préalable, une autorisation du Ministère chargé de l’Equipement et des Transports après une enquête sur les lieux qui atteste que le site répond aux mesures de sécurité concernant l’environnement de l’installation eu égard à la réglementation sur les établissements insalubres, incommodes et dangereux. Mais une fois que l’installation est autorisée, le dossier est classé. Avant l’exploitation d’autres contrôles s’exercent, par trois départements au moins. Pour illustrer cela, prenons par exemple le cas de construction d’un centre e m p l i s s e u r. Le département de l’Energie est chargé de vérifier d’une part, si l’installation est conforme aux dispositions du Règlement Général des Gaz de pétrole liquéfiés et d’autres parts si toutes les normes de sécurité prévues par l’autorisation du Ministère de l’Equipement et des Transports sont bien respectées par le constructeur. Les appareils et instruments électriques sont du ressort du Ministère de l’Emploi. Le barèmage des sphères et des bacs, le pesage de poids des bouteilles sont du ressort du Ministère du Commerce et de l’Industrie. A l’issue de ces trois contrôles, une autorisation de mise en service est délivrée à l’exploitant par le Ministère de l’Energie et des Mines. Pour une deuxième fois le dossier est classé. A partir de ce moment, le contrôle de la sécurité des installations elles-mêmes reste du ressort de l’exploitant. Les textes réglementaires n’ont pas suivi le développement du secteur et les nouvelles technologies dans ce domaine restent souvent méconnues. Ce sont les mêmes textes d’avant la privatisation qui restent actuellement en vigueur. Par conséquent, le contrôle est presque inexistant dans notre arsenal réglementaire. A part les centres emplisseurs pour la réépreuve des bouteilles de gaz et les stations service pour l’échantillonnage des produits pétroliers en vue d’en vérifier la qualité en cas de requête d’un usager , les autres installations ne font l’objet d’aucun contrôle. On espère que le nouveau organigramme du département annoncé par M. le Ministre tiendra compte de cette faille pour r e d y n a m i s e r la fonction contrôle.
Qui donc fait le contrôle de ces installations en l’absence de l’Etat ? Il est fait par des établissements spécialisées qu’on appelle " les organismes de contrôle" agréées par le Ministère de l’Energie et des Mines. Le renouvellement de l’agrément se fait tous les trois ans. Et c’est l’exploitant même qui juge la nécessité de faire appel à ces organismes pour effectuer le contrôle de ses installations au cas où les textes réglementaires le prévoient. Le contrôle est donc laissé par le législateur à l’appréciation de la société . Dans la majorité des cas, l’administration de tutelle n’est même pas au courant du contrôle effectué par l’agent agréé à cet effet.
En cas de défaillance ou de fraude, la société est sanctionnée conformément aux textes en vigueur . Or la tutelle n’a ni la compétence ni le matériel spécialisé pour faire une contre expertise ou un arbitrage et encore moins un contrôle préventif. D’ailleurs, on a été étonné que les deux incendies qu’a connu la raffinerie de Mohammedia n’aient pas été bien exploités par le Ministère de l’Energie et des Mines au moment de la préparation de la loi des finances 2004 pour défendre et justifier une augmentation du budget du département, pour faire face au volet sécurité dans les installations énergétiques. Cette augmentation aurait servi à l’achat du matériel de contrôle, au financement des stages des ingénieurs pour les recycler dans ce domaine et au recrutement de nouvelles compétences en la matière.
En principe, l’Etat devrait être en mesure de tirer la sonnette d’alarme sur la vétusté du matériel d’une raffinerie , d’un centre e m p l i s s e u r ou d’une station service !La société peut s’arranger pour qu’il n’y ait pas de litige entre elle et l’entité qui contrôle en faisant appel à un agent plus tolérant plus laxatif quant à l’application des textes réglementaires. En effet, l’exploitant ne doit pas être juge et partie. Le privé ne doit pas contrôler le privé. Le vrai contrôle doit se faire d’une manière concomitante entre toutes les parties concernées par le dossier sous le pilotage du Ministère chargé de l’Energie qui a la lourde responsabilité de part même sa mission, de constater la bonne marche des unités et la qualité du produit en vue d’assurer l’approvisionnement normal du pays dans de bonnes conditions. Car, par essence et par nature les sociétés privées ne cherchent que la rentabilité de leur investissement, qui dans la plupart du temps, peut obnubiler le côté sécurité. Pour paraphraser Clemenceau, le contrôle est une affaire trop sérieuse pour la laisser entre les seules mains du privé.
Il est urgent que le dossier soit revu pour déterminer et délimiter la responsabilité des uns et des autres de façon à ce que le contrôle s’exerce d’une manière permanente, inopinée et systématique. Car, actuellement si contrôle il y a, il ne s’effectue que par compagne ou après incident, la raffinerie de Mohammedia en est l’exemple éloquent. Le dossier doit être traité avec célérité et discernement. Le confier à une commission ne peut que retarder son règlement et faire perdurer le danger. Par conséquent, il y a urgence .


Omar Elfetouaki

18:20 Publié dans énergie | Lien permanent | Commentaires (0)